Musée départemental Albert Kahn

Depuis le mois de juin 2016, une partie de la collection d’autochromes Albert Kahn est disponible en ligne sur le site internet du musée !

 

France, Paris, Le Trocadéro vu à travers les arches de la tour Eiffel

Le Trocadéro vu à travers les arches de la tour Eiffel, Paris (VIIe – XVIe arr.), France, 1914, (Autochrome, 9 x 12 cm), Auguste Léon, Département des Hauts-de-Seine, musée Albert-Kahn, Archives de la Planète, A 67 138 S

 

Albert Kahn est né Abraham Kahn le 3 mars 1860 à Marmoutier, dans le Bas- Rhin. Issu d’une famille aisée, cette dernière choisit de rester française lorsque l’Alsace et une partie de la Lorraine sont annexées à l’issue du conflit franco-prussien de 1870 (le traité de Francfort de 1871 actant cette dépossession française). Les Kahn, provisoirement citoyens allemands durent donc quitter leur village en 1872 pour s’installer à Saint-Mihiel, dans la Meuse.

France, Marmoutier, La place et l'enfilade de la rue vers Saverne
La place, Marmoutier, Bas-Rhin, Alsace, France, 7 octobre 1919, (Autochrome, 9 x 12 cm), Georges Chevalier, Département des Hauts-de-Seine, musée Albert-Kahn, Archives de la Planète, A 18 704

Abraham Kahn arrive à Paris à l’âge de seize, moment où il choisit le prénom d’usage Albert. Dans la capitale, il entra rapidement dans le milieu de la banque et se lia d’amitié avec un élève de l’École normale supérieure du nom de Henri Bergson.

Alors à la banque Goudchaux, il fit fortune en spéculant sur les mines d’or et de diamants d’Afrique du Sud. En 1893, il devient propriétaire d’une maison au 6 quai du 4-Septembre à Boulogne-sur-Seine. Ainsi débuta la constitution de ses jardins.

Algérie, Bougie, Vue générale sur Bougie

, Bougie, Algérie, 11 août 1929, (Autochrome, 9 x 12 cm), Frédéric Gadmer, Département des Hauts-de-Seine, musée Albert-Kahn, Archives de la Planète, A 61 502

 

En 1898, il crée sa propre banque d’affaires. A partir de cette même année et durant plus de trois décennies, Albert Kahn créa plusieurs institutions destinées à favoriser la compréhension entre les peuples et la coopération internationale.  Il mit ainsi en place des « bourses Autour du Monde » pour que les futurs enseignants puissent voyager et découvrir la réalité du monde. Par ailleurs, les « Archives de la Planète » eurent pour fin de recenser les photographies couleur et films noir et blanc capturés lors de ces voyages.

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Le quartier du Flamengo depuis la colline Novi Cintra avec le Pao de Açucar (Pain de Sucre) au fond à droite, Rio de Janeiro, Brésil, septembre 1909, (Autochrome, ), Auguste Léon (?), Département des Hauts-de-Seine, musée Albert-Kahn, Voyage d’Albert Kahn en Amérique du Sud, A 69 822 X

La krach boursier de 1929 eut des effets dévastateurs sur la banque Kahn, devenue déficitaire en l’espace d’une année. Les institutions d’Albert Kahn furent également victimes de cet événement. Ne parvenant pas à rétablir la situation, Kahn fut acculé, ses créanciers l’assignèrent en justice et, en 1932, la banque fut déclarée en faillite. Ses biens furent saisis et vendus aux enchères en 1933 et 1934. Il conserva sa maison à Boulogne, même s’il en était plus le propriétaire. Le département de la Seine acheta ainsi une partie de la propriété, dont les collections de photographies et de films.

Albert Kahn s’éteint à l’âge de 80 ans dans la nuit du 13 au 14 novembre 1940, dans sa maison de Boulogne.

Une biographie beaucoup plus dense est disponible sur le site internet de la fondation Albert Kahn, témoignant de ses autres œuvres.


 

Cet article s’intéresse avant tout aux Archives de la Planète. En 1908, Albert Kahn part de longs mois pour le Japon (où il connut un accueil très chaleureux), en Chine ou encore aux Etats-Unis. Alfred Dutertre, ingénieur de formation accompagnant Kahn, prit à cette occasion plus de 4 000 clichés photographiques et cinématographiques. L’opération se prolongea en Amérique du Sud l’année suivante en compagnie d’un photographe professionnel, Auguste Léon.

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Grains de fécule colorés (Wikipédia)

Dutertre et Léon expérimentèrent à cette occasion l’utilisation de la plaque autochrome 9×12 cm. D’autres photographes participèrent à ces missions, dont Paul Castelneau qui immortalisa en couleur la Grande Guerre. L’autochrome est un procédé de capture par photographie officiellement breveté par les frères Auguste et Louis Lumière en 1903 et rapidement commercialisé. Le procédé photographique a pour support une plaque de verre sur laquelle on saupoudre d’infimes particules de grains de fécules de pomme de terre. Ces derniers étaient alors teints en rouge (parfois tirant vers l’orange), vert et bleu (parfois violet). Une poudre de carbone très fine comblent les espaces vides entres les grains. Le temps d’exposition est plutôt long, entre 5 et 10 minutes, et le développement des clichés l’est encore davantage. Néanmoins, le rendu couleur demeure un apport considérable pour la connaissance du monde, leitmotiv de Kahn.

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Takanawa, quartier de Minami, arrondissement de Shiba, résidence de la famille Kitashirakawa (intérieur), les trois jeunes princesses Kitashirakawa (Mineko, Sawako et Taeko) et leur cousine, la princesse Takeda Ayako (au centre), Takanawa, quartier de Minami, arrondissement de Shiba, Tôkyô, Japon, 1926-1927, (Autochrome, 9 x 12 cm), Roger Dumas, Département des Hauts-de-Seine, musée Albert-Kahn, Archives de la Planète, A 68 657 XS

 

Au total, ce ne sont pas moins de 72 000 autochromes et 183 000 mètres de film (soit 100 heures de projection) qui furent rapportés à Boulogne. Les clichés ont été pris dans une cinquantaine de pays, durant une période allant de 1909 à 1931.

Constituées sous la double égide d’Albert Kahn et de Jean Brunhes (géographe), les Archives de la Planète furent vraisemblablement animées par une conscience historique. « Les documents iconographiques étaient rassemblés pour leur intérêt en tant que documents historiques » (Teresa Castro). Ces Archives constituent une source majeure pour l’histoire des sociétés durant les années 1910 et 1920.

Perse, Hamadan, Boutique de Marchand de fruits

Etal d’un marchand de fruits et légumes, Hamadan, Perse, 2 octobre 1927, (Autochrome, 9 x 12 cm), Frédéric Gadmer, Département des Hauts-de-Seine, musée Albert-Kahn, Archives de la Planète, A 53 508 S

Bien que Kahn souhaitait capturer les « mouvements invisibles de l’histoire », il semblerait que cet homme de paix, au moment où ses employés ont voulu photographier la guerre, ne purent immortaliser l’immédiateté et l’urgence de ce conflit d’un nouveau genre. De fait, les clichés exceptionnels de la Grande Guerre, en raison d’un temps de pose long et d’un matériel lourd et contraignant, ne put permettre d’être au plus près des combats. C’est pourquoi les photographies furent prises à « l’arrière ».

France, Soissons, St Jean des Vignes

L’abbaye Saint-Jean-des-Vignes démantelée au début du XIXe siècle , Soissons, Aisne, France, 25 mai 1917, (Autochrome, 12 x 9 cm), Fernand Cuville, Département des Hauts-de-Seine, musée Albert-Kahn, Archives de la Planète, A 12 143

Les autochromes et autres images cinématographiques n’ont pas été vues par le plus grand nombre en leur temps. Toutefois, presque 100 ans plus tard, le Musée Départemental Albert Kahn a décidé de mettre en ligne ces clichés sur internet, afin d’en faciliter l’accès à tous.

 

Cette diffusion des Archives de la Planète fait suite à une campagne de numérisation et de documentation menée par le musée départemental Albert-Kahn pendant près de 10 ans. La mise en ligne ayant été initiée au mois de juin 2016, l’ensemble des autochromes devrait être disponible en ligne d’ici à la fin de l’année. Actuellement, environ 20 000 éléments sont accessibles sur internet.

 

A l’aide d’un planisphère interactif, il est possible d’accéder à différentes parties du globe afin de cibler les clichés en fonction des thèmes abordés, de leurs auteurs ou encore du pays visité. Seuls bémols : la résolution des clichés demeure assez peu élevée : environ 800 x 600 pixels. Par ailleurs, le tatouage numérique (ou watermark) est très plutôt encombrant par rapport à la taille des photographies. Un partage conséquent sans doute limité par des droits qui ne permettent pas d’accéder au document brut. Enfin, il serait souhaitable d’ajouter un paramètre chronologique afin d’identifier les clichés en fonction de leur année de capture.

Vous pouvez accéder à ce contenu via :

 

Sources internet :

  • Teresa Castro, « Les Archives de la Planète et les rythmes de l’Histoire »,  Mille huit cent quatre-vingt-quinze[En ligne], 54 | 2008, mis en ligne le 01 février 2011, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://1895.revues.org/2752
(Vous pouvez aussi rapidement consulter les pages Wikipédia « Autochrome » et « Albert Kahn (banquier) » qui proposent quelques informations succinctes mais pertinentes).

Ouvrages :

  • FLEISCHER A., MÖNCH W., DEVOS E., DE PASTRE B., Couleurs de guerre : Autochromes 1914-1918 Reims & la Marne, Editions du Patrimoine Centre des monuments nationaux, Paris, 2006.
  • LAVÉDRINE B., L’autochrome Lumière : Secrets d’atelier et défis industriels, Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS), Archéologie et histoire de l’art, Paris, 2009.
  • OKUEFUNA D., Albert Kahn : Le monde en couleurs (1908-1931), Editions du Chêne, Paris, 2008.

Vidéos :

  • Les autochromes … Et la couleur fut, Patrick Naslès, Mécanos Production & France 3 (2005). Disponible pour le moment sur YouTube et Dailymotion sous un nom erroné.